Championnats du monde gravel : le grand rendez-vous
Dernière course de la saison.
Les championnats du monde de gravel UCI, c’était le grand objectif de mon année 2025 — celui qui clôturait des mois d’efforts, de préparation et de passion.
La course la plus suivie, la plus relevée aussi : plus de 3 000 coureurs alignés sur les différentes épreuves, une organisation impressionnante, une effervescence digne des plus grands rendez-vous.
J’arrivais motivé, en forme, avec l’envie de bien faire et de profiter pleinement de cette expérience. Ce n’était pas juste une ligne de plus au calendrier, mais une façon de mesurer le chemin parcouru depuis le début de la saison et de boucler cette série 2025 de Gravel Affair de la plus belle manière.
Le décor : le Sud-Limbourg, théâtre du mondial
La course se déroulait dans la région vallonnée du Sud-Limbourg, à proximité de Maastricht. Un cadre typiquement néerlandais : chemins agricoles, virages serrés, petites bosses et gravier compact.
Le parcours totalisait 180 km, découpés en 3,5 boucles d’un circuit de 50 km. C’était un terrain rapide, pas vraiment technique, où il fallait constamment relancer et rester concentré.

Mais ce qui marquait le plus, c’était l’ambiance.
L’organisation avait vu grand : des fans zones installées tout au long du parcours, des écrans géants, des food trucks, des DJ sets… Une atmosphère festive, vivante, presque de kermesse belge. Les encouragements fusaient, la musique donnait du rythme, et l’énergie du public créait une bulle d’euphorie autour de la course.
Ce contraste entre la concentration du coureur et l’ambiance extérieure donnait au championnat du monde un parfum unique — à la fois populaire et exigeant.
La course : au cœur du peloton mondial

Je prenais le départ dans la catégorie 35–39 ans, un peloton dense de près de 300 coureurs. Nous partions huit minutes après les 250 élites, et trois minutes avant les 700 participants de la catégorie 19–34 ans.
Autant dire que le parcours n’a jamais été calme : des coureurs partout, des groupes qui se forment, se doublent, se recomposent.
Dès les premiers kilomètres, la course devient tactique lorsque nous reprenons le peloton des 19-34 parti devant nous encore compact. Il faut se battre pour garder sa position, éviter les chutes, lire la trajectoire du coureur devant soi. La concentration est maximale.
Les chemins étroits et le rythme élevé rendent chaque virage potentiellement piégeux. Sur ce type d’épreuve, l’usure mentale arrive vite : il faut être lucide, précis, et prêt à réagir à chaque instant.
J’avais les jambes, la motivation, la préparation. Mais ce jour-là, la densité du peloton et le stress constant ont demandé autant d’énergie mentale que physique.
Le moment de bascule : quand la tête et les jambes se déconnectent

À ce niveau, le gravel est un sport d’équilibre : tout repose sur l’alignement entre le mental et le physique. Tant que la tête est concentrée, les jambes suivent.
Mais dès qu’une brèche s’ouvre, la concentration s’échappe, et tu sors de ta course.
C’est exactement ce qui s’est passé pour moi.
Dans les 30 derniers kilomètres, et au milieu de ce chaos parfaitement orchestré, une question me traverse.
Quand je vois des coureurs plonger dans les virages à l’aveugle, frotter pour grappiller une roue, risquer une chute pour gagner une position… je me demande :
« Est-ce vraiment pour ça que je roule en gravel ? »
Après plusieurs heures de tension et de vigilance, j’ai commencé à sentir la fatigue mentale s’installer. Et quand le final s’est dessiné — alors que nous étions encore nombreux à pouvoir « jouer » le titre mondial — j’ai senti le relâchement. Pas de craquage brutal, juste une usure progressive.
J’ai levé le pied, sans colère, sans frustration. Simplement conscient que je ne pouvais plus rouler à ce niveau d’intensité mentale et physique à la fois.
Ce n’était pas vraiment un abandon, plutôt un moment de lucidité.
Une manière d’écouter mes limites et de rester fidèle à ma façon de vivre le gravel : engagée, mais pas au détriment de l’intégrité physique.
Le matériel et la stratégie

Pour ce championnat du monde gravel, j’avais la chance de rouler sur le nouveau Scott Addict Gravel RC – modèle 2026, reçu quelques semaines avant la course.
Un vélo vif, précis, parfaitement adapté à ce terrain rapide.
Côté transmission : Sram XPLR 10–46 à l’arrière, plateau de 46 dents à l’avant — un choix équilibré pour garder du rendement sur les parties roulantes.
J’avais opté pour les Schwalbe G-One RS Pro, montés en tubeless. Des pneus rapides, mais avec un excellent grip latéral, parfaits pour ces virages appuyés et ces chemins compacts.
Une configuration qui a tenu toutes ses promesses. Sur une épreuve où chaque seconde compte, où la moindre crevaison ou erreur de pression peut te coûter cher, ce setup m’a permis de rouler avec confiance.
Au-delà du résultat : une expérience riche et formatrice
Participer à un championnat du monde, c’est toujours un privilège.
Rouler aux côtés des meilleurs, représenter son pays, sentir cette ferveur autour du gravel, c’est une expérience unique.
Et même si la course ne s’est pas déroulée comme je l’aurais rêvé, je repars avec beaucoup de positif.
Cette course m’a aussi permis de me rappeler pourquoi j’aime le gravel racing : pour le goût de l’effort, pour les paysages, pour la simplicité et l’esthétique.
J’aime la performance, mais je ne veux pas (plus) me battre à chaque virage et rouler dans la peur constante de la chute.
L’ambiance, les échanges, ces moments de lucidité, tout cela fait partie du charme de ces grands rendez-vous.
Une fin de saison, un nouveau chapitre

Ce championnat du monde de gravel marquait la fin d’une saison complète, riche en émotions et en apprentissages.
J’ai pu gérer ma forme et construire une super condition tout au long de la saison grâce à l’entraînement Ibex outdoor. De La Traka à Falling Leaves Lahti, chaque course de cette série Gravel Affair m’a appris quelque chose sur moi, sur ma pratique et sur cette discipline que j’aime profondément.
Terminer ici, dans une ambiance si festive, avec la famille à mes côtés, c’était une belle manière de fermer la boucle 2025.
L’heure est désormais au repos, à la récupération, et à la réflexion.
Les jambes vont souffler, la tête va se poser — avant que l’envie de repartir à l’aventure ne revienne, forcément.
Conclusion : prêt, mais pas à tout prix
Ces championnats du monde resteront une expérience forte, sincère et marquante.
Une course exigeante, un public incroyable, une organisation à la hauteur de l’événement.
Mais surtout, un rappel précieux :
« Sur ce genre d’épreuve, il faut que le corps et la tête soient parfaitement alignés.
Hier, j’étais prêt, mais pas à tout prix.
Le gravel, pour moi, c’est rouler, vivre, ressentir — pas me battre à chaque virage. »
Une conclusion douce et lucide pour clore cette saison 2025 de Gravel Affair.
Avec gratitude, énergie… et déjà une petite étincelle pour la suite.
Benjamin est le fondateur de Pédaleur.
À travers une série d’articles intitulée « Gravel Affair », il partage ses expériences, ses apprentissages techniques et les temps forts de sa saison de gravel.
Les autres épisodes de la série Gravel Affair : Gravel Affair #1 - La Santa Vall Gravel Affair #2 - Traka360 Gravel Affair #3 - Falling Leaves Lahti