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Entretien avec Perrine Fages, aventurière et ultra-cycliste

Entretien avec Perrine Fages, aventurière et ultra-cycliste Posted on 18 novembre 2020

Aventure à vélo et ultra-cyclisme ont pris de l’ampleur ces derniers mois et nombreux sont les cyclistes qui aimeraient s’y essayer. Nous aussi, nous sommes pris au jeu de varier notre pratique de la route en accrochant des sacoches le temps d’un week-end de bikepacking. Nous avions hâte de discuter avec ceux pour qui l’ultra et les défis n’ont « presque » plus de secrets.

Et dans ce registre, nous sommes ravis d’inviter Perrine Fage sur le blog Pédaleur. Avocate de 40 ans vivant au Moyen-Orient, Perrine est également une aventurière (vélo, course à pied et nage) et passionnée d’ultra-endurance. Vous avez sans doute déjà suivi ses défis sur les épreuves « IronMan » (pas moins de 10 au compteur !), sur l’Enduroman et le BikingMan. Ou encore ses traversées du Great Himalaya Trail et du lac Baikal. En bref, embarquez avec nous pour une bonne dose d’aventure à vélo et d’évasion. C’est parti !

Ces dernières années, tu as couru le BikingMan, tu as ralié Lhassa et Katmandou (1200km à plus de 4200m d’altitude en 6 jours) et tu es partie à l’assaut du Lac Baïkal. Après coup, quelle est pour toi la plus belle aventure et pourquoi ?

J’ai du mal à dire « cette aventure était la plus belle », à en choisir une.
D’abord  je fais une différence entre les courses et les aventures. Une course comme BikingMan ou un ultra à vélo ont un côté aventureux mais la part d’inconnu est plus limitée. On ne sait pas par exemple si on va terminer ou comment on va se sentir, et d’autres éléments extérieurs. Mais globalement la course est organisée et suivie, la trace est prête (même si j’ai toujours peur de me perdre ahaha).

Mais quand on part par exemple sur le Baikal : l’inconnu est l’essence même de l’aventure. On fait quelque chose qu’on a jamais fait sans savoir comment on va gérer sans personne pour nous suivre et on ne doit compter que sur nous mêmes et tout organiser en amont. Sa sécurité et sa vie sont en jeu. On est obligés de faire des choix, on est responsables, on risque de faire des erreurs de prépa’, de stratégie. On n’est pas forcément allé faire une reconnaissance avant comme pour une course ou quelqu’un l’a fait pour vous.

Pour en revenir sur les aventures et la plus belle. Je pense que chacune apporte quelque chose d’unique. Par ailleurs on évolue, avec l’expérience acquise on va un peu plus loin d’aventure en aventure. Lhassa Katmandu c’était formidable. Le cyclisme en haute altitude est très exigeant mais les sensations sont uniques. Le Lac Baikal est magnétique & magique, et c’était pour Steven Le Hyaric et moi une véritable expédition solo sans filet de sécurité. Le tout dans un milieu hostile, mais d’une beauté sans égal.

Partir à l'aventure à vélo

Quel a été ton plus beau souvenir et ta plus grande difficulté rencontrée ?

Je pense que sur le Baikal on a été en difficulté à plusieurs reprises. D’abord il a fallu faire des choix de matériel , de vélo, l’itinéraire…. Le tout sans savoir quelle était la situation d’enneigement. On a pas eu de chance. Mais heureusement on était quand même bien préparés au final. En revanche physiquement c‘était vraiment dur (le froid, la neige notamment) et surtout moralement, on pouvait pas avancer par moments, pris dans la neige, sans savoir comment on allait se sortir de là.

Comment choisis-tu tes prochaines aventures et comment se passe la préparation du projet ?

J’ai voyagé dans une centaine de pays et avant de parcourir le monde de manière plus sportive j’avais déjà ce gout du voyage et des route les moins fréquentées. Alors forcement ma tête est remplie d’endroits que je veux aller explorer. Mais parfois aussi j’atterris quelque part par hasard selon les horaires et le temps de vol quand je veux aller m’entraîner sur un week-end par exemple ! Parfois ce sont des personnes croisées au détour d’un chemin qui m’ont parlé de cette petite route inconnue, etc. Voir des choses que l’on a jamais vu, des paysages, des cultures nouvelles c’est ça qui m’anime et me fait vibrer.

Pour la préparation, c’est pas très simple. Parfois je pars comme ça mais sur des projets plus sensibles me prépare, je contacte des locaux pour avoir des infos et prévoir une aide (selon le degré d’autonomie et le passage des frontières). Pour l’Iran par exemple je contacte sur Instagram des femmes pour les impliquer et essayer rouler avec elles. Pour des pays d’Afrique, ce sont les fédérations pour rencontrer des cyclistes et avoir des conseils.
C’est beaucoup de travail, et un projet comme le Baikal était plus complexe. On a décidé en « last-minute » et on a beaucoup bossé notamment sur le matériel .

Est-ce qu’être une femme change quelque chose quand on prend le départ d’aventures comme les tiennent ?

Je dirais qu’être une femme c’est plus facile. Bon surtout au Moyen-Orient. Ici les hommes ne laissent jamais une femme en difficulté. En parcourant le monde, je peux vous dire que j’ai rencontré des gens qui m’ont donne foi en l’espèce humaine. Jamais je n’aurais cru qu’on puisse être capable d’autant de bonté. Le fait d’être avec un vélo également, ça aide.

J’ai beaucoup d’expérience de femmes seules qui voyagent, il ne faut pas aller quelque part si on ne le sent pas. Le comportement que l’on adopte peut aussi emmener à une situation à risque. S’il m’arrive d’aller dans des pays sensibles, je m’informe toujours de la situation. Et je fais attention d’aller dans les régions où il y a moins de risques. Mais je n’ai pas de préjugés sur des pays qui ont pu être en conflits par le passé et qui désormais sont «safe».

Ironman et Enduroman Perrine Fages

Comment se préparer physiquement pour de tels défis ? Et durant l’effort, comment gérer alimentation et fatigue ?

Oh la préparation, c’est très variable d’un défi à un autre. Selon la difficulté que l’on va rencontrer. Mais globalement toute l’année je suis prête à partir ! La préparation physique est importante, pour pouvoir gérer les aléas extérieurs tels que la météo par exemple. Ensuite l’alimentation, c’est un sujet compliqué en ultra. Selon l’environnement on a pas accès à de la nourriture et on mange très mal car on mange ce que l’on trouve. Pour ce qui est de la fatigue c’est pareil on fait ce que l’on peut. Pour moi la clé est de se reposer des que  l’on peut . Et j’y arrive plutôt bien je dors n’importe quand n’importe ou.

Côté matériel, quels sont tes équipements ?

Le matériel est toujours essentiel. Parfois on se trompe dans ses choix. Il faut passer beaucoup de temps à y réfléchir avant. Je pense pas qu’il faille forcement un vélo cher mais un vélo adapté. Avec les bons pneus. Les habits pour le froid c’est aussi vital. Et enfin il faut être capable de partir avec le minimum puisqu’on ne peut pas tout transporter. Une approche minimaliste avec les indispensables est très importante. Le poids est un handicap. De mon côté, j’ai des vélos Open, je les adore. 

Aventures à vélo et ultra-cyclisme sont au rendez-vous sur le compte Instagram de Perrine. Suivez-la pour une bonne dose d’inspiration ! Un grand merci pour le partage d’expérience et les conseils qui inspireront bon nombre de cyclistes.

La prochaine traversée de Perrine du Ladakh (800km de gravel en Inde avec 14000 mètres de dénivelé) prévue cette année en solitaire est mise en pause avec le contexte global mais reste d’actualité. On a hâte de suivre cette prochaine aventure dès qu’elle verra le jour.

Pour vous aussi sortir des sentiers battus, essayez le gravel ou découvrez comment grimper l’Everest à vélo !

Crédits Photos : Perrine Fages